Ouverte en 2008, l’école élémentaire de Gawdil, située dans la commune de Ronkh, dans le département de Dagana, n’existe, aujourd’hui, que de nom. Depuis 2018, l’établissement est laissé à la merci des animaux en divagation. Composé de deux classes physiques, cet établissement a été gelé de la carte scolaire, dit-on, pour diverses raisons, liées notamment, au décrochage des apprenants dans cette contrée fortement marquée par le pastoralisme.
DAGANA – Vue de loin, l’école de Gawdil semble intacte. Mais en s’approchant, le décor est tout autre. Dans la cour, les excréments d’animaux jonchent le sol. Juste à côté, le mur de clôture s’est affaissé, laissant l’endroit à la merci des bêtes en divagation. Sur place, le cadre enchanteur qui avait suscité beaucoup d’espoirs, lors de son ouverture, en 2008, avec ses deux salles de classe, laisse, aujourd’hui, le visiteur perplexe.
À l’intérieur de la première salle, des animaux, notamment les ânes, ont élu domicile en toute quiétude. À côté, dans l’autre salle qui servait aussi de bureau pour l’enseignant, se trouvent encore quelques tables-bancs. À côté de la fenêtre, une armoire enveloppée de toiles d’araignée se singularise dès l’entrée. Un délabrement général dû à la fermeture de l’établissement.
Mary Ba, riveraine de l’école, nous sert de guide. Elle semble affectée par cette situation avant de nous montrer la maison du chef de village. « Vous voyez, nos enfants ne vont plus à l’école. Les garçons sont souvent avec les troupeaux. Quant aux filles, elles sont à la maison à ne rien faire, alors que leur place devrait être l’école », regrette-t-elle. Ce constat se confirme quand on se réfère à l’histoire de ce village.
La prédominance des activités pastorales
En effet, habité essentiellement par des Peuls, avec comme principales activités l’élevage et l’agriculture, le village de Gawdil a, aujourd’hui, plus de 70 ans. D’ailleurs, l’école en question a été construite en 2008 par la Croix rouge et selon les habitants, depuis 2018, il n’y avait plus d’activités.
Selon les informations reçues de l’Inspection de l’éducation et de la formation (Ief) de la zone, la fermeture de cette école serait due, entre autres raisons, au déficit en personnel enseignant, couplé à un fort taux de déperdition et de décrochage des apprenants. Dans cette contrée, nombre de parents préfèrent voir leurs enfants s’activer dans le pastoralisme plutôt que d’aller à l’école. S’y ajoute aussi le phénomène des mariages précoces.
Trouvée juste devant la maison du chef de village, Djima Ba, mère de famille, confirme cette réalité non sans la décrier. Elle n’a pas manqué de manifester son inquiétude face à la fermeture de l’école du village. « Les enfants n’ont aucune préoccupation, ma fille allait à l’école, elle parvenait à lire et à écrire, mais malheureusement, on l’a donnée en mariage de façon précoce, car l’école a fermé ses portes », dit-elle.
Sur la même lancée, Ousmane Ba, originaire du village, a, lui, fait l’école primaire à Richard Toll. Aujourd’hui, il éprouve un pincement au cœur quand il évoque la situation de l’école de son village. « L’éducation est très importante dans ce contexte. C’est très tôt pour les enfants d’abandonner l’école, notamment les garçons. Bon nombre d’entre eux sont dans les pâturages », s’indigne le jeune homme, qui se dit préoccupé par la reprise des enseignements-apprentissages.
Même les personnes du 3e âge sont affectées par cet état de fait. C’est le cas d’Aïssata Ba, âgée d’une soixantaine d’années. Habitante de Gawdil, elle déplore le fait que l’élevage prédomine sur l’éducation dans cette localité. « Nous réclamons l’ouverture de l’école et cette fois-ci, nous sommes prêts à impliquer tout le monde pour la préservation de cette école qui risque de disparaître totalement de la carte », a plaidé Mme Ba.
Le premier enseignant de l’école indexé
Interrogé sur la situation, le chef du village pointe du doigt la responsabilité de l’enseignant qui était affecté dans ce village. Même s’il s’est gardé de citer son nom, selon Amady Demba Ba, c’est à cause des absences répétitives de l’enseignant en question que les enfants ont tourné le dos à l’école. « Il s’absentait trop et cela a beaucoup joué dans cette situation, car finalement, les enfants s’adonnaient plus à l’élevage. Depuis 2018, il y a plus de cours dans cet établissement. Je l’ai même signalé à l’inspection à Dagana. Par la suite, les parents étaient découragés ainsi que les élèves et depuis lors, on ne voit plus l’ombre d’un enseignant ici pour relancer l’école », a indiqué le chef de village. Il a saisi l’occasion pour déplorer le mutisme des autorités.
À en croire le chef de village, les parents sont déterminés à voir leurs enfants retrouver le chemin de l’école. « Nous sollicitons la diligence de l’Inspecteur de Dagana. On va recenser tous les enfants en âge d’aller à l’école pour les mettre à la disposition des autorités académiques », rassure Amady Demba Ba qui note, au passage, que cette situation n’est pas sans conséquence sur l’avenir de leurs enfants.
Ibrahima MBAYE (Correspondant)
BAYE BIRAME DIAKHATÉ, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’IEF DE DAGANA
« Les populations doivent arrêter de retirer leurs enfants de l’école »
D’après le Secrétaire général de l’Inspection de l’éducation et de la formation (Ief) de Dagana, le gel des activités pédagogique dans une école est souvent motivé par, entre autres, un déficit en personnel enseignant couplé à un fort taux de déperdition et de décrochage chez les apprenants. Et, c’est ce qui s’est passé pour le cas de l’école de Gawdil, soutient l’autorité académique. « Par opportunité et aux fins de mieux rationaliser les ressources humaines disponibles en nombre insuffisant, le choix du gel s’impose », explique Baye Birama Diakhaté. Selon lui, les populations de la localité « doivent s’engager à créer des conditions sociales d’études favorables en évitant de retirer leurs enfants de l’école pour les orienter vers la gestion du bétail. Il y a aussi le phénomène des mariages précoces ou de trop occuper les filles dans les tâches ménagères ».
B. Diakhaté fait savoir que dans le cadre de cette situation, « une réouverture est envisageable ». Il suffit tout simplement, dit-il, « d’écrire à l’Ief et qu’une étude soit menée pour voir les conditions de réouverture. Il soutient, par ailleurs, qu’une information sera ouverte pour s’assurer si toutes les conditions de réouverture sont réunies dans cette école. L’autorité académique cite, entre autres, le fait d’avoir un nombre assez important d’enfants à enrôler, de disposer d’un local décent apte à abriter, en toute sécurité, les enseignements-apprentissages et la disponibilité d’un enseignant à affecter sur place. I. MBAYE
Source : https://lesoleil.sn/fermee-depuis-2018-le-village-...